Hache, Emilie, Ce à quoi nous tenons.
Les Empêcheurs de penser en rond / La découverte, Paris, 2011

Des mots pour des actes et sortir de la maison de celui qui réfléchi après coup. Un ordonnancement qui donne de l’air à une morale et des notes en bas de pages qui sont autant de sources intarissables. Ce livre est un contre-poison à Luc Ferry, Allègre… Son regard à propos de Dogville et ce récit d’une hospitalité ratée est une forte mise en garde.

Introduction :

Cette problématique écologique ne réapparaît pas au sein (du mythe)  d’une société d’abondance mais au moment de sa remise en cause par une crise économique majeure, et ce, dans un contexte de globalisation beaucoup plus fort. (p7)

L’on parle de moins en moins de « nature » mais plutôt de réchauffement climatique, de biodiversité, d’inégalités, d’hypothèse Gaïa, etc. (p11)

La philosophie pragmatiste est un art des conséquences. (p12)

Première partie :

1

Faire une différence

 

L’écologie désigne d’abord une science qui a ses propres concepts (p17)

Par morale écologique, j’entends le fait de s’intéresser non pas à la « nature » mais à la façon dont nous pouvons vivre ensemble (p18)

Le processus d’écologisation engage au contraire de nouvelles façons de faire, cherchant à prendre en compte les associations d’êtres qui composent notre collectif (p19) (j’emprunte à Latour la notion de « collectif », faisant entendre la prise en compte des non-humains en politique…)

« …la reconnaissance des fins en soi au-delà de la sphère de l’homme » (Hans Jonas, le principe de responsabilité, traduit de l’allemand par J. Greich, Paris, Flammarion , coll. »Champs », 1998 (1979).

Fonder métaphysiquement le concept de responsabilité (p20)

L’intérêt porté à quelqu’un/quelque chose est toujours à la fois pour soi et pour autrui (p23)

« L’appel muet du monde » (p24)

On devient responsable en répondant à quelqu’un/quelque chose.(p25)

« Répondre à » et non « répondre de » (p25)

« devenir moral à deux » (p31)

2

Comment répondre ?

 

Rendre visible, c’est à dire abandonner une mise en scène où le philosophe moral est neutre, imitant en cela la position du « témoin modeste » de la science moderne… (p33)

Le philosophe moral est d' »expliquer les relations morales qui s’établissent entre les choses » (p34)

« relativiser les fins, au sens littéral de les mettre en rapport (p38)

Relativiser les fins ne réduit donc pas tout au même, mais trace au contraire des différences pertinentes, mettant en relation autrement. (p40)

« se mettre à la place » signifie expérimenter avec (p49)

« On devient compétent à la mesure de ce que l’on nous prête (p51)

Jouer l’anthropomorphisme contre l’anthropocentrisme (p53)

« Répondre » ne consistant pas à imposer des normes, mais plutôt, à élaborer des façons de « bien » prendre en compte les différents êtres. (p55)

Vinciane Despret, ressort la définition de l’élevage comme un vivre ensemble. (p58)

Ce n’est pas la mort « en soi » qui pose problème, mais quelle mort, c’est à dire les conditions (p59)

propositions de vivre ensemble qui ne passeraient pas systématiquement par le faire de les tuer et/ou les manger (p63)

Deuxième partie

Se mêler de ce qui n’est pas censé nous regarder

 

Réarticuler les questions scientifiques et économiques à des problématisations morales est une tâche délicate. (p68)

« Crise des valeurs ? Non, crise des faits ! » Bruno Latour « Éthique et environnement », 13 décembre 1997, (p97)

Un « Fait » serait le résultat de la confiscation et du verrouillage de questions politiques (qui compose le collectif et comment) (p72)

« Qui compose notre collectif » pour ensuite se demander si « nous pouvons cohabiter » (p73)

« Haraway propose de faire une distinction entre le fait de « tuer » un animal, qui n’est pas problématique en soi, et le fait de rendre killable (tuable) un animal. Le différence moderne entre humains et non-humains passe par cet écart. (p79-80)

« Gaïa peut vivre sans nous, nous ne la menaçons pas. (…) L’enjeu (moral) n’est pas de sauver la planète mais plutôt de nous protéger. (p89)

Gaïa nous fait réexpérimenter un « nous » élargi, humain et non-humain, qu’une partie des anciens modernes n’ont eu de cesse de séparer pendant prés de quatre siècles. Lh(hypothèse Gaïa vient confirmer le travail des paléontologues, des géologues et des biologistes qui nous ont appris l’histoire de la Terre et de ses communautés écologiques et, en particulier, que l’homme fait partie de la biodiversité et ne peut pas vivre sans elle. (p90)

p91 à 104, c’est important.

Moraliser l’économie ?

Les (sur)populations vulnérables deviennent une variable d’ajustement de notre mode de développement, jusqu’à considérer les catastrophes qu’elles subissent comme une sorte de régulation naturelle des populations. (p127)

« Nous avons souvent promis aux pays en développement que si seulement ils adoptaient de bonnes -par exemple, la création d’un gouvernement honnête et d’une économie de libre marché – eux aussi pourraient jouir d’un mode de vis de pays développé. Cette promesse est impossible, c’est un canular cruel. » Jared Diamond, « What’s tour composition factor ». (p128)

Une situation tragique

 

La crise écologique (re) pose à sa manière la délicate question du choix en morale. (p133)

Il appartient au philosophe de maintenir la mémoire vivante du problème (…), c’est à dire de penser en présence des « revenants », de toute les aspirations qui insistent sourdement pour être entendues alors (qu’elles) ont été exclues. » Isabelle Stengers, « William James : une éthique de la pensée ? », in Didier Debaise (dir.), Vie et expérimentation, op.cit, p.168 et sq.

Se mêler d’économie pour poser autrement les problèmes, et soulignent clairement aussi les  limites de l’articulation de la morale et de l’économie sans l’intervention de la politique. (p138)

Troisième partie

Composer un monde commun

Tenir ensemble  nos décisions et leurs conséquences (p142)

5

Changer de temporalité :

(re)faire attention à l’avenir

 

Éthique de la responsabilité versus éthique du progrès (p145)

Nous attacher collectivement aux conséquences de nos actes. (p149)

Un sentiment de communauté temporelle (p152)

L’introduction de la notion de « faitiche » réactive une relation où l’action ne vient pas du sujet mais de la relation,  (p157)

« Ni prophétie, ni prévision (…), la prospective n’a pas pour objet de pré-dire l’avenir de nous dévoiler comme s’il s’agissait d’une chose déjà faite – mais de nous aider à la construire. » Hugues De Jouvenel, « Sur la démarche prospective », Futuribles, 179, septembre 1993, p51 (p161)

Obligation morale d’imaginer les catastrophes à venir – afin de les éviter (…). Son catastrophisme est, en ce sens, méthodologique.. (p 167)

 

6

Écologies de la politiques

Continuum des fins et moyens (p173)

Se rassembler autour d’une chose commune (…) Chose dans son sens étymologique,  c’est à dire une affaire commune (p177)

Changer d’habitude, (…), s’adresse autrement (…) c’est à dire de manière complexe, sans certitude et avec curiosité. (p179)

le point de rencontre entre la morale et la politique se trouve ici, dans cette autoconstitution d’un public par lui même (p180)

« Responsabilité partagé » (p185)

(in)fidélité responsable (p193)

« À cette question, certaines féministes répondirent en réhabilitant (reclaim) une dimension de la notion de pouvoir un peu oubliée, celle de potentia contre celle de potestas : « Le pouvoir dans le politique n’est pas simplement rapports de force ou pouvoir-sur, mais contruction de liens et empowerment, transformation de soi, (re)construction de l’héritage. » (p196)

empowerment, le fait de « pouvoir avec d’autres » (p197)

resister à la naturalisation d’une situation (p198)

Au contraire, il me semble qu’apprendre à penser ensemble constitue une façon d’espérer inventer une réponse politique attentive à la complexité d’une (bonne) coexistence entre les différents êtres. (p201)

Créer cette intelligence collective suppose de faire confiance. (p202)

Nous sommes tous « coproducteurs » (p203, à propos de slowfood)

Ralentir

Parler d’une cosmopolitisme est une façon de prendre en compte le problème posé par la coexistence d’une multiplicité d’êtres. (p216)

« espèrent » (…) littéralement « une manière active d’espérer ». S’engager dans la composition d’un monde commun à la manière dont nous y invite le pragmatisme, sans croire que tout est déjà fait mais sans désespérer pour autant, suppose une manière active de faire confiance, comme une manière active d’espérer. (p218)