Action

… création d’oeuvre ouverte. Des partitions, en quelques sortes d’événements, dont la stimulation et les déroulements, induits par l’artiste sont destinés à créer et à développer des états mentaux.

p 41, l’oeuvre système invisible – Fred Forest

Afin de définir le mot action dans mon travail, nous allons nous appuyer sur : «Hors service». Cette oeuvre s’inscrit dans la tradition DADAÏSTE et FLUXUS. Il s’agit d’une action réalisée et reproductible dans des espaces ouverts aux publics (salon professionnel, salle d’exposition, …). Il s’agit d’un ordre de mission commandé à une agence spécialisée dans l’accueil et la surveillance. L’ordre de mission consiste à ce qu’une hôtesse d’accueil tienne une pancarte sur lequel est écrit : «Hors service» durant au moins quatre heures. Elle n’a pas pour vocation de parler avec les publics. Nous observons que ma définition de l’action est intimement liée à la question du travail et du sujet qui applique une énergie. La chaîne de causalité démontre que la réflexion précède l’action. Même s’il y a une part non-négligeable d’inconscience, une intuition anticipe l’action. Cependant c’est l’action qui libère une forme. Elle est le moment de partage avec le public. Cette action «Hors service» montre aussi ma position en tant qu’auteur. En effet, au commencement, j’achète une prestation à une agence qui loue le travail d’une personne qui rend un service. Trois opérateurs travaillent à leur manière.

– L’artiste commande à une agence une mission avec un protocole : Lieu, date, durée, objet de la mission (tenir un panneau «Hors service»).

– L’agence loue une hôtesse d’accueil. Elle me facture la prestation.

– L’hôtesse d’accueil réalise l’action.

Il est important de mentionner le rôle d’un commanditaire extérieur qui peut demander à l’artiste de mettre en oeuvre «Hors service». Dans le cadre de ce travail particulier, l’action procède à une mise en abyme de la capacité de l’artiste à représenter un certain monde du travail. Le panneau «Hors service» dit le contraire de ce qui se passe. En effet, l’hôtesse accomplie bel et bien sa mission. L’agence réalise un chiffre d’affaire dans le domaine des services. Cependant le panneau indiquerai que l’hôtesse emploie son temps à faire le contraire. L’expression «Hors service» est souvent employée quand une machine dans un espace public ne fonctionne plus. Ainsi rendue visible, cette expression lie la machine à l’individu. L’ironie rend compte d’une sorte de corruptabilité du travail, d’une érosion de son sens par l’acte premier du marché conclue. Cette trans-action révèle ce qu’une société soit disante libérale peut produire de servitude. L’hôtesse d’accueil, la personne n’était pas dupe sur la portée de cette action. Elle était la première à manifester sa désapprobation mais accomplissait la tâche puisqu’elle était remplaçable. Elle demandait juste que sa photographie n’apparaisse pas trop sur internet en tout cas sans son nom et prénom. Sa réaction démontre qu’elle agit avec une certaine servitude volontaire à condition d’un anonymat. Selon elle, son visage plein de fard n’est plus reconnaissable. Le fait que ce soit une hôtesse et qu’elle soit hors service montre aussi que malgré le désir d’égalité homme-femme, tout un pan de l’économie de marché repose sur les genres sexuels. Cette personne exprime une aliénation du travail contemporain, elle parle de sa chosification. Le public, les hommes surtout, ont été les premiers à vouloir dialoguer avec l’hôtesse. En ricanant, ils souhaitaient la remettre en marche. Ce public consommait bel et bien le travail. Le lieu aide le développement de l’action, ici, le salon Heavent (des professionnels de l’événement), opère comme une redondance de l’action. Par extension, c’est toute la société du spectacle qui tend vers le blocage. Je conçois donc une action comme une épiphanie, un ici et maintenant qui garde une aura à l’époque de la dématérialisation électronique. L’action relie LA nature avec NOT RE nature, LA loi du marché à NOS désirs.