La société post-mortelle

The postmortal condition

LAFONTAINE Céline, University of Montréal, Canada

http://www.meos.qc.ca/lafontaine.html

Celine Lafontaine is doctor in the sociologie departement at the University of Montreal. She is the first nano-tech searcher.

« Mortality is not a fundamental feature of life. »
Stanley Shostak, Becoming Immortal. Combining cloning and stem-cell therapy, Albany, State University of New York Press, 2002, p.161.

Biologisation of the culture and capitalization of the health which makes prolongation of the life as the supreme value of the post-mortal society . Joel de Rosnay who preaches the development of bionomics, recommends that contracts about the body are established between the individuals and the pharmaceutical companies associated with insurances companies.

p.153

Céline Lafontaine : Professeur de sociologie à l’Université de Montréal. Ouvrage précédent : L’empire cybernétique( des machines à penser à la pensée machine).

LA SOCIÉTÉ POST-MORTELLE

La mort, l’individu et le lien social à l’ère des technosciences

ISBN : 978.2.02.085953.0

édition Seuil.

Introduction p12-13 :

Tandis que l’existentialisme philosophique emblématique du XX e siècle place en son centre la question de la finitude, cette dernière disparaît lentement de l’horizon symbolique, culturel et social faisant de la mort une réalité cachée et déniée ou à tout le moins socialement insensées. C’est à cette disparition et à ses conséquences socio-historiques que ce livre est consacré.

« Une cartographie du présent. »

1: La conquête de la médecine.

2: Processus de désymbolisation de la mort. (Laïcisation de la société, vieillissement de la population, l’individualisme et le culte de la performance… )

3: Dresser un portrait sociologique du monde contemporain à partir du double processus de déconstruction scientifique et de désymbolisation de la mort.

1. L’horizon de la société postmortelle.

L’Histoire des sociétés humaines peut ainsi se lire comme l’ensemble des « stratégies » visant à donner vie au rêve d’immortalité.

« Chaque société repose sur un pari d’immortalité. »

« Il n’y a égalité devant la mort ni avant, ni pendant, ni après le mourir. »

Claude Javeau, Mourir, Bruxelles, les Éperonniers, coll. « sciences pour l’homme. » p 20

Cette volonté de vaincre techniquement la mort correspondent historiquement à la mise en place d’une société de consommation caractérisée par une « présentification » du temps social. p46

De l’enfant du désir, dûment programmé et investi de la lourde tâche d’inscrire sa vie dans un processus constant d’individualisation, à l’adolescent, dont l’ancrage dans la société ne cesse d’être repoussé, jusqu’aux nouveaux jeunes de soixante ans, la révolution démographique en cours favorise l’entré dans la postmortalité.

(Sur la question de la transition démographique et de la programmation des enfants, voir l’excellent article de Marcel Gauchet, « L’enfant du désir », Le Débat, n° 132 Novembre-decembre 2004, p98-122.) p.53

L’impossible limite ou l’infini du temps présent.

L’abandon des méta-récits (utopie du XX e), (…) « déconstruction de l’immortalité ». Fondée sur l’obsolescence rapide des objets, nourrie par le flot incessant des mass média, la société postmortelle a pour seul horizon la projection dans le futur du mouvement présent. p.55

« Le rêve de l’élixir de vie ou de la fontaine de jouvence est certes très ancien. Mais c’est seulement de nos jours qu’il prend une forme scientifique ou, dans certains cas, pseudo-scientifique. p66

La société postmortelle Si l’angoisse de la mort et les réponses collectivement formulées pour l’apaiser constituent le fondement de tout édifice social, qu’en est il alors d’une société où la mort passe du statut de socle ontologique à celui de la contingence historique ? p.66

Sans la perspective de la mort, le sens donné à la procréation et à la transmission subirait une transmutation radicale. Au plan sociologique on pourrait penser qu’une tell société instituerait une nouvelle forme de vivre ensemble centrée sur l’obsession de la santé et du contrôle sécuritaire. p.67

LES NOUVELLES FRONTIÈRES DE LA MORT.

L’inscription corporelle de la mort se modifie avec le temps : « poumon-coeur-cerveau… » En fait, « plus la mort est technicisée, plus il est difficile de la distinguer de la vie ». p.70

La célèbre sentence de Diderot, « vivant, j’agis en masse, et mort, je réagis en molécules ». p. 71

Foucault a exprimé de façon magistrale le renversement historique du rapport à la mort qui s’opère alors : « La mort est donc multiple et dispersée dans le temps : elle n’est pas ce points absolu et privilégié à partir duquel le temps : elle n’est pas ce point absolu et privilégié à partir duquel le temps : elle n’est pas ce point absolu et privilégié à partir duquel le temps s’arrête pour se renverser, elle a comme la maladie elle-même une présence fourmillante que l’analyse peu à peu, ici ou là, chacun des noeuds vient à se rompre jusqu’à ce que cesse la vie organique, au moins dans ses formes majeures, puisque longtemps encore après la mort de l’individu, des morts minuscules et partielles viendront à leur tour dissocier les îlots de vie qui s’obstinent. » p.72

La mort certifié. De la réanimation à la reconceptualisation de la mort. En fait, les nouveaux visages de la mort : «  sont ceux que la médecine elle-même a fabriqués ». Anne Carol, Les médecins et la Mort XIX e – XX e siècle.

Sous l’impact des technologie de réanimation, les autorités médicales font donc face à partir des années soixante à un nouveau type de patient dont les facultés cérébrales sont définitivement détruites, mais dont le corps et les organes continuent de fonctionner. Sans entrer dans les détails cliniques, les notions de coma dépassé en France et de mort cérébrale aux États-Unis se développent sous une double impulsion technologique : la première, liée aux techniques de réanimation et la seconde, relative aux possibilités nouvelles de la greffe d’organe. p. 77

Pour David LeBreton, la distance qui s’instaure alors entre la mort juridique d’un individu et sa mort biologique est le fruit d’une rupture radicale du savoir biomédical avec le monde de la perception sensible. p.78

Le constat médical de la mort « devient davantage un pronostic qu’un diagnostic » pour reprendre l’expression d’Anne Carol… p.80

La mort cérébrale :

une nouvelle définition de la subjectivité. Le concept de mort cérébrale suppose donc une redéfinition de la subjectivité fondée sur la notion de contrôle informationnel. p. 84

On assiste depuis le milieu des années soixante-dix au passage « d’une attente de la mort à la décision de laisser mourir. », comme l’explique Sandra M. Gilbert.(Death’s door, op. Cit., p,166) p. 85

Oscillant entre la vie et la mort, ces « cadavres vivants » ou « néo-mort » habitent un non-lieu où leur statut subjectif est littéralement supendu… Expériences limites : comme celles de la mère en état de mort cérébrale que l’on maintient artificiellement en vie afin de mener leur grossesse à terme, tel le cas Susan Torres… 2005. p. 87

Il est vrai que les nouvelles frontières de la mort, liées au développent parallèle de la médecine de prolongation et de la médecine de transplantation, reposent sur une morale utilitariste et commerçante qui ne va pas sans soulever certaines questions. p. 88

Ce phénomène de déni de la mort transparaît aussi dans les campagnes étatiques en faveur du « don d’organes » au cours desquelles on fait grand usage de métaphores issues de l’agriculture et de la botanique, comme par exemple l’emploi du vocable « récolte » pour parler de prélèvement. p. 89

D’autant plus que la possibilité de recourir à des organes d’autres espèces, provenant en l’occurrence de porcs transgéniques, semble d’ores et déjà être une solution envisagée aux États-Unis pour les patients moins fortunés. Comme quoi l’éloignement des frontières de la mort n’enlève rien aux inégalités sociales, bien au contraire. p. 93

Les épidémies et les maladies infectieuses constituaient les principales causes de décès, ensuite, ce sont des maladies dites dégénératives (cardio-vasculaires, cancers, maladie d’Alzheimer).

(…)

Alors que « toute la nomenclature du XIXe siècle comportait une classe ou une sous-classe « mort par vieillesse », cette dernière a complètement disparu de la classification contemporaine des causes de décès. En soulignant le fait, qu’au moment où l’espérance de vie s’améliore considérablement dans les pays dits développés, voilà que la vieillesse disparaît de la classification des causes de la mort », (…) Cette disparition de la vieillesse des causes de la mort marque l’entrée dans la postmortelité en ce sens qu’il n’existe théoriquement plus aucune limité temporelle à l’extension de la vie humaine. p. 95

« La mort est-elle un processus biologique « utile » ou bien ne correspond-elle à aucune nécessité naturelle ? » p. 96

Chapitre III.

De l’entropie au suicide cellulaire. La déconstruction biomédicale de la mort.

« Mortality is not a fundamental feature of life. »

Stanley Shostak, Becoming Immortal. Combining cloning and stem-cell therapy, Albany, State University of New York Press, 2002, p.161. « La mort n’est pas une caractéristiques fondamentale de la vie. » Traduction Libre. p. 97

La cybernétique introduit un nouveau rapport à la mort : Déconstruction et désymbolisation. Assimilation de la mort à l’entroprie.

Assimilation de l’humanité à « des ilôts d’entropie décroissante » relative aux possibilités techniques de contrôle et de traitement de l’information . Véritable force néguentropique, l’information apparaît ainsi comme le principe premier… p. 99

La vie comme phénomène néguentropique. Erwin Shrödinger amorce dans son ouvrage What is life ? Publié en 1944 : « La vie paraît être un comportement ordonné et réglementé de la matière, comportement qui n’est pas basé exclusivement sur la tendance à passer de l’ordre au désordre, mais basé en partie sur un ordre existant qui se maintient. » p. 102

Le corps régénéré.

Reposant sur une conception de la liberté en termes de jouissance individuelle et d’accroissement des expériences personnelles, le narcissisme contemporain semble donc indissociable de la biologisation de la culture dans la mesure où la poursuite de la vie en elle-même devient un objectif indépendamment de toute autre dimension culturelle, sociale ou politique. p. 140

Le biogérontologue Aubrey de Grey affirme en ce sens que « nous risquons d’être responsables de la mort de plus de cent mille personnes par jour si les technologies et les traitements anti-âge ne sont pas développés ».

http://www.worldhealth.net/

p. 145

« bioéconomie du recyclage » (…) l’avenir de la biologie réside dans ce recyclage des déchets corporels : « Certains biologistes sont finalement arrivés à reconnaître que la vie dépend du recyclage des déchets et des cadavres. » http://www.geron.com p. 148

« La commercialisation, la reproduction et la manipulation des tissus humains de remplacement supposent (…) un modèle purement technique du corps où le travail du chirurgien se rapproche de celui de l’ingénieur. » Projet : SENS (Stratégies for Engineered Negligible Senescence) http://www.methuselahfoundation.org/ p.150

Le régénération consiste à :

1-Stimuler ou à copier les mécanisme d’autoréparation du corps.

2-Implanter des tissus ou organes produit à l’extérieur du corps.

3-Développer des technologies permettant de rajeunir les cellules usées par le contrôle de l’horloge biologique interne.

4-Réingénierie complète des mécanismes moléculaires et cellulaires par le biais des nanothechnologies.

Effacement d’une différenciation entre nature et culture. p.152

Biologisation de la culture et capitalisation de la santé, qui fait du prolongement de la vie la valeur suprême de la société post-mortelle. Joël de Rosnay, qui prône le développement de la bionomie, va même jusqu’à préconiser que des contrats d’entretiens du corps soient établis entre les individus et des entreprises pharmaceutiques associées à des compagnies d’assurances. p.153

Chapitre V

De la perfectibilité à l’immortalité.

La vie sans fin du posthumain.

L’hybridation humain/machine.

Une voie vers la postmortalité

p.163

L’éternité congelé

« Congelés dans un état de suspension permanente, les « patiens » cryonisés sont en fait des cadavres où il devient impossible pour leurs proches de faire leur deuil. Déclarés légalement morts, ils sont placés dans un espace technoscientifique indifférent au passage des générations. Ils instituent en ce sens la fixation dans un présent infini d’un futur déréalisé, détaché de toute historicité, car un individu à jamais congelé laisse peu de place à sa lignée.

1_L’examen sommaire de sites Internet d’Organismes dédiés au projet d’extension de la vie, à la nanomédecine, au transhumanisme et à la cryonie montre que ce sont souvent les mêmes individus qui siègent dans les conseils scientifiques de plusieurs organismes à vocation différente. p.179

Se reproduire et mourir : le corps sans sexe du posthumain

Comme on va le voir, à une désexualisation complète de la subjectivité ainsi qu’à une négation de la filiation comme fondement des sociétés humaines. Donna Haraway

http://cyberfeminisme.org/txt/cyborgmanifesto.htm

P.180.

Les transhumanistes affirment que « la mort devrait être volontaire. »… p.184.

Étrangement, l’éloignement culturel, scientifique et démographique de la mort, l’idée qu’on peut la combattre, activement n’ont pas atténué l’éffroi qu’elle suscite, bien au contraire. (…) N’ayant d’autre sens que la fin sordide d’un individu tout-puissant, la mort est encore plus terrifiante que jamais. p.185

Chapitre V

Le retour de la mort.

Fin de vie, fin du sens

« Mourir est le résultat d’une erreur de programmation au bonheur occidental. »

Claude Javeau, Mourir, op.cit., p. 84.

Ainsi la société postmortelle est véritablement une société d’individus au sens où le lien social n’est pas donné, mais sans cesse à construire et à reconstruire. Elle cumule en elle la radicalisation de la logique moderne de maîtrise du monde et le relativisme postmoderne de l’éclatement du sens. p. 188

La culture est un déni de la mort. (…) ce n’est pas le déni de la mort qui fonde véritablement la culture humaine, mais bien son anticipation, sa préparation collectivement orchestrée. p. 190

Pendant la plus longue partie de l’histoire humaine, mourir a donc été une aventure collective dont la préparation survenait après la fin de l’existence biologique.

Ce n’est qu’au cours de la période pastorale, soit des débuts de la sédentarisation jusqu’aux premières cités, que « mourir devient une expérience mondaine en plus d’être un voyage vers l’autre monde ». p. 191

Cela transparaît clairement dans l’abandon des funérailles traditionnelles au profit de rituels personnalisés qui deviennent des sortes d’odes à l’individualité du défunt. p. 194

Dans un contexte de désocialisation de la mort, l’arrêt d’une vie ne doit en aucun cas entraver la productivité sociale des individus. p. 198

La mort idéale est aujourd’hui discrète, inconsciente et hygiénique. p. 202

Le mouvement pour la mort volontaire est l’une des expressions politiques majeures de la sociétés postmortelle.(…) Les tenants du mouvement prolongéviste figurent parmi les plus ardents défenseurs de la mort volontaire. p.203

L’autodétermination du sujet est, dans le cas de l’euthanasie et du suicide assisté, entièrement tributaire d’une assistance technique et médicale. Que l’expression de la liberté individuelle soit indissociable d’une logique de contrôle, n’est-ce pas la définition même du biopouvoir ? p. 204

Désormais mouvantes et extensibles, les frontières de la mort se redessinent alors pour inclure une nouvelle catégorie : la mort biomédicale. (…) La transformation des frontières de la mort a donc ouvert la voie à une nouvelle catégorie d’individus, biologiquement vivants, mais subjectivement morts. Dans un monde où l’autonomie et la qualité de vie se confondent avec un idéal d’indépendance et de performance, le sort des individus en état de mort biosociale… p. 212

Sachant , comme l’a si bien rappelé Hannah Arendt, que le fondement de l’action politique repose sur la natalité, sur la possibilité de réinventer le monde d’une génération à l’autre, la question se pose alors de savoir quel avenir politique nous réserve la société postmortelle et, une fois de plus, il est trop tôt pour répondre. p. 221

Conclusion :

« Pour accueillir les enfants, peu nombreux mais sources d’espoir, les vieillards de demain devront se faire eux aussi porteurs d’avenir ». p. 225

LINKS / LIENS :

Advanced Cell Technology : http://www.advancedcell.com

Alcor Life extension foundation : http://www.alcor.org

American Academy of Anti-aging Medecine : http://www.worldhealth.net/

American Aging Association : http://www.americanaging.org/

American Association for the Advancement of Science : http://www.aaas.org

American Association of Blood Banks : http://www.aabb.org/

American Cryonics society : http://americancryonics.org

CryoCare Foundation : http://www.cryocare.org/index.cgi

Cryonics society of Canada : http://www.cryocdn.org

The cryonics insitute : http://www.cryonics.org

Cryogenic Society of America : http://www.cryogenicsociety.org/

Foresight Nanotech Institute : http://www.foresight.org

Geron: http://www.geron.com

Global life Sciences : http://www.glifesciences.com

Immortality Insitute : http://www.imminst.org/

International longevity Center USA : http://www.ilcusa.org/

Insitute for Ethics and Emerging Technologies : http://www.ieet.org

Invitrogen : http://www.invitrogen.com

Kronos Longevity Research Insitute : http://www.kronosinstitute.org/

Kronos Science Laboratory : http://www.kronoslaboratory.com

Life extension foundation : http://www.lef.org

Maximum Life foundation : http://www.maxlife.org

Methuselah Foundation : http://www.methuselahfoundation.org

Millenium Pharmaceuticals : http://www.mlnm.com

National Insitute on Aging : http://www.nia.nih.gov

SENS : http://www.sens.org

Supercentenarian Research Foundation : http://www.supercentenarian-research-foundation.org

Suspended Animation Inc : http://www.suspendedinc.com

Terasem Foundation : http://www.terasemfoundation.org/

Threshold Pharmaceuticals : http://www.thresholdpharm.com

Twenty-first Century Medecine : http://www.21cm.com

World Technology Network : http://www.wtn.net

World Transhumanist Association : http://www.transhumanism.org/index.php/wta/communities/seniorcitizens/