Document

En inventant la notion « d’incompossibilité » il résout le paradoxe en offrant une pause à la crise de la vérité, puisque c’est l’incompossible (et non l’impossible) qui procède du possible. « Le passé peut être vrai sans être nécessairement vrai. »

Puissances du faux – Eric Baudelaire, in Vacarme 55, printemps 2011.

Cet article d’Eric Baudelaire à propos d’une exposition fictive : «Factographies» exprime très bien mon rapport au document et le rôle que je lui donne dans mon travail. Le film : «Même l’autruche sera protégée,» est un document. Cette vidéo rend compte d’un exercice qui simule un plan particulier d’intervention pour sauver les autruches en cas d’accident nucléaire. C’est un plan (PPI) que j’ai écris à partir des conseils critiques de la CRIIRAD, de l’IRSN (insitut de radioprotection et de sûreté nucléaire) et de l’ASN (autorité de sûreté du nucléaire). Protéger les autruches, c’est aussi sortir d’une certaine politique où la grande muette a fait son nid. Une version de la vidéo, adaptée au contexte d’exposition à la cité des sciences, est actuellement diffusée. Ce plan particulier d’intervention fictif s’inspire des pistes de réflexion en cours suite à l’accident nucléaire de Fukushima. En effet, l’IRSN et l’ASN s’interrogent, entre autre, sur le devenir des animaux domestiques. Aujourd’hui, c’est l’abandon pur et simple qui est pratiqué. Le bien-être animal disparaît devant le risque nucléaire et le «sauve-qui-peut» lors de ces moments terribles. Ils racontent que c’est l’Homme qui importe. Ces autorités du nucléaire précisent même que les citoyens ne seront pas tous protégés. Il leur faut définir des seuils et rendre acceptable la catastrophe. Le plan fictif est accompli par les soigneurs du parc des oiseaux de Villars les Dombes près du Bugey. Les combinaisons et les outils de mesure nécessaires (fournit par la CRIIRAD) respectent les conditions du plan. L’exercice se déroule en respectant scrupuleusement le scénario du PPI. Nous filmons l’exercice puis nous éffectuons un montage en tentant de respecter un maximum l’intégrité de l’exercice tout en étant compréhensible pour un spectateur. Tout le sérieux de la démarche tente de montrer que si nous pouvons sauver une autruche alors l’Humanité serait protégée. Mais au fil de la démonstration, nous comprenons l’absurde de la situation et la non-préparation évidente des professionnels face à l’éventualité de la catastrophe. Je ne vais pas développer à propos de l’inadaptation des combinaisons NRBC face à un danger imperceptible qui dure. Les images parlent. Ainsi le document relate un exercice qui simule un accident nucléaire. C’est du vrai-faux. Au delà de la vérité des faits et de leurs interprétations, ce document nous engage à réfléchir à des laissés «pour-compte». Durant l’exercice, sans le vouloir, les opérateurs et les soigneurs ont très peu parlé. Ils ont respecté la procédure. Ainsi, le spectateur découvre le plan au fil du temps. Le document vidéo dévoile petit à petit les enjeux avec les soins apportés à l’autruche. Nous sortons la tête du trou de notre ignorance car la situation est nécessairement vrai. Le document papier, la trace collectée, la photographie, le fichier, l’image numérique… prolongent quelque chose de l’action, un peu. Leurs qualités (la papier A4, le pixel, le poils, l’enregistement sonore, la vidéo surveillance…) sont des marqueurs de leurs temps.