Lexique

  • Action

    … création d’oeuvre ouverte. Des partitions, en quelques sortes d’événements, dont la stimulation et les déroulements, induits par l’artiste sont destinés à créer et à développer des états mentaux.

    p 41, l’oeuvre système invisible – Fred Forest

    Afin de définir le mot action dans mon travail, nous allons nous appuyer sur : «Hors service». Cette oeuvre s’inscrit dans la tradition DADAÏSTE et FLUXUS. Il s’agit d’une action réalisée et reproductible dans des espaces ouverts aux publics (salon professionnel, salle d’exposition, …). Il s’agit d’un ordre de mission commandé à une agence spécialisée dans l’accueil et la surveillance. L’ordre de mission consiste à ce qu’une hôtesse d’accueil tienne une pancarte sur lequel est écrit : «Hors service» durant au moins quatre heures. Elle n’a pas pour vocation de parler avec les publics. Nous observons que ma définition de l’action est intimement liée à la question du travail et du sujet qui applique une énergie. La chaîne de causalité démontre que la réflexion précède l’action. Même s’il y a une part non-négligeable d’inconscience, une intuition anticipe l’action. Cependant c’est l’action qui libère une forme. Elle est le moment de partage avec le public. Cette action «Hors service» montre aussi ma position en tant qu’auteur. En effet, au commencement, j’achète une prestation à une agence qui loue le travail d’une personne qui rend un service. Trois opérateurs travaillent à leur manière.

    – L’artiste commande à une agence une mission avec un protocole : Lieu, date, durée, objet de la mission (tenir un panneau «Hors service»).

    – L’agence loue une hôtesse d’accueil. Elle me facture la prestation.

    – L’hôtesse d’accueil réalise l’action.

    Il est important de mentionner le rôle d’un commanditaire extérieur qui peut demander à l’artiste de mettre en oeuvre «Hors service». Dans le cadre de ce travail particulier, l’action procède à une mise en abyme de la capacité de l’artiste à représenter un certain monde du travail. Le panneau «Hors service» dit le contraire de ce qui se passe. En effet, l’hôtesse accomplie bel et bien sa mission. L’agence réalise un chiffre d’affaire dans le domaine des services. Cependant le panneau indiquerai que l’hôtesse emploie son temps à faire le contraire. L’expression «Hors service» est souvent employée quand une machine dans un espace public ne fonctionne plus. Ainsi rendue visible, cette expression lie la machine à l’individu. L’ironie rend compte d’une sorte de corruptabilité du travail, d’une érosion de son sens par l’acte premier du marché conclue. Cette trans-action révèle ce qu’une société soit disante libérale peut produire de servitude. L’hôtesse d’accueil, la personne n’était pas dupe sur la portée de cette action. Elle était la première à manifester sa désapprobation mais accomplissait la tâche puisqu’elle était remplaçable. Elle demandait juste que sa photographie n’apparaisse pas trop sur internet en tout cas sans son nom et prénom. Sa réaction démontre qu’elle agit avec une certaine servitude volontaire à condition d’un anonymat. Selon elle, son visage plein de fard n’est plus reconnaissable. Le fait que ce soit une hôtesse et qu’elle soit hors service montre aussi que malgré le désir d’égalité homme-femme, tout un pan de l’économie de marché repose sur les genres sexuels. Cette personne exprime une aliénation du travail contemporain, elle parle de sa chosification. Le public, les hommes surtout, ont été les premiers à vouloir dialoguer avec l’hôtesse. En ricanant, ils souhaitaient la remettre en marche. Ce public consommait bel et bien le travail. Le lieu aide le développement de l’action, ici, le salon Heavent (des professionnels de l’événement), opère comme une redondance de l’action. Par extension, c’est toute la société du spectacle qui tend vers le blocage. Je conçois donc une action comme une épiphanie, un ici et maintenant qui garde une aura à l’époque de la dématérialisation électronique. L’action relie LA nature avec NOT RE nature, LA loi du marché à NOS désirs.

  • Alimentation

    Dans les décennies à venir, l’agriculture va être confrontée à un triple défi : Faire face à la croissance démographique tout en respectant davantage l’environnement et en intégrant la raréfaction des énergies fossiles.

    p 34, Demain la faim ! – Frédéric Lemaître

    D’après Ludwig Feuerbach, «L’Homme est ce qu’il mange», cela traduit mon goût pour l’alimentation. Nous allons nous appuyer sur : «Autel ». Ici l’alimentation est mise en scène. L’objet est réalisé à partir de «déchet» issu des cimetières. La pierre, le marbre et le granit proviennent de monuments funéraires qui n’étaient plus à la mode ou qui ont été abandonnés. Le marbrier avec qui j’ai travaillé, s’occupe de collecter ces pierres. Cet agencement de pierre pour constituer un «Autel» fut réalisé chez la famille Janin. Au Vernant, dans la Loire, ils élèvent des bovins et des ovins. Ils transforment la viande et font de la vente directe. La viande est issue d’une agriculture biologique. De la même manière que la statue équestre de Donatello à Padoue peut être un perchoir à Pigeon, ce monument est aussi une placette de nourrissage pour les rapaces et autres carnassiers. Les Milans noirs ou royaux disparaissent dans la région depuis la maladie de la vache folle. En effet, le changement de la réglementation pour l’équarrissage a contribué à la baisse démographique de ces populations d’oiseaux. Pour palier à cela, les restes de découpe produit par le laboratoire de transformation de la ferme du Vernant, sont disposés sur cet «autel». Je tente de restaurer un lien entre les hommes, les restes des animaux morts et les oiseaux. L’autel est situé sur la butte d’une colline, depuis le bas, en contre-plongé, nous voyons ce trait d’union sur la ligne d’Horizon entre la terre et le ciel. Là aussi, une bonne inscription dans le paysage est important pour amplifier autant les fonctions que la manière dont l’objet nous apparaît. Je conçois que l’autel existe en l’absence de notre regard quotidien. Grâce à cette placette de nourrissage le réseau trophique est stimulé. À la même table nous formons une communauté de vivant. Nous sommes des êtres commensaux. « Manger pour travailler pour manger, le tout dans une chaîne et une pyramide » cette équation à laquelle je croyais étant enfant est prise dans le filet de la complexité. Se nourrir est un verbe que j’emploie souvent. C’est une métaphore de la manière dont je me branche à des flux pour réaliser des actions, mais c’est aussi bien concret et j’ai besoin de cette énergie, de sa manière d’exciter les papilles. Je place donc ma pratique dans des systèmes d’interdépendances et des régimes d’immanences. Je suis donc sensible aux organismes génétiquement modifiés, aux radiations pour conserver, à la cinétique de l’extinction de la biodiversité, au brevetage de cette nature infinie, libre et éternelle d’effet. L’alimentation est le champ de bataille des libertés liberticides.

  • Art

    Tout se passe en effet comme si le rétrécissement de l’espace public et l’effacement de l’inventivité politique au temps du consensus donnaient au mini-démonstrations des artistes, à leurs collections d’objets et de traces, à leurs dispositifs d’interaction, provocations in-situ ou autres, une fonction de politique substitutive. Savoir si ces substitutions peuvent recomposer des espaces politiques ou si elles doivent se contenter de les parodier est assurément une des questions du présent.

    p 84, Malaise dans l’esthétique – Jacques Rancière

    L’art serait une manière de faire et une manière d’être sensible, ses combinaisons proposent une infinité de jeux mnémotechniques. Traversé par des torrents, je rame dans l’illusion de la maîtrise, je veux faire des choses qui permettent la rencontre des pôles, changer le regard et des rapports au monde. Je babille.

  • Coopérations

    Changer. Nous devons changer nos relations avec la nature. Les représentations que nous en avons, largement inconscientes, nous conduisent à des gâchis croissants, écologiques, économiques et sociaux.

    p 211, Un éléphant dans un jeu de quilles – Robert Barbault

    Dans ce livre, ce grand écologue intitule le chapitre douze : «Faire équipe avec la vie ». Il cite Fairfield Osborn : « L’Homme doit reconnaître qu’il lui faut coopérer avec la nature». Si nous n’avons pas le choix, nous devrions plutôt parler de symbiose. Cependant, ce scientifique sait comment la représentation influe sur nos actes. L’occident déteste le diktat d’aucune nature. L’Homo sapiens (l’Homme savant…une blague.), cet être de symbiose, dépendant des flatulences des bactéries méthanogènes, préfère croire qu’il s’agit d’un souffle démoniaque.

    Le projet Vulpes vulpes décrit bien les degrés de coopération dans mon travail. L’intention originelle de toute ces actions, c’est connaître, naître avec. Lauranne Germond et le WWF m’avait commandé un travail sur la biodiversité. Alors, j’ai émis une esquisse. Les renards me sont étrangers. Leurs cadavres et les fables peuplent davantage mes souvenirs d’enfant qu’un de ces êtres vivants. Je voulais en approcher un en ville et raconter mon récit de chasse. Alors, le blog internet : http://www.vulpevulpe.com/blog/, montre le chemin parcouru depuis un dessin au pastel jusqu’au vide de la boîte à fauve. Il rend compte de mes choix. J’ai consulté le web, lu la thèse de Caroline Henry, contacté cette éco-éthologue. Je lui ai proposé de participer au suivi des probables rencontres amoureuses du Renard à Paris. Elle a apporté son expertise. Nous avons demandé à Michel Neff, le forestier du parc de Vincennes, de nous aider. Sylvie Laidebeurre, vétérinaire du parc zoologique de Vincennes, ainsi que les soigneurs, nous ont apporté leurs soutiens. Le partage des bénéfices consistaient à faire des prélèvements sur l’animal et détecter la présence des zoonoses. Il fallait donc connaître d’autre corps. Après neuf mois de discussions avec les divers services de l’État, nous avons obtenue une autorisation de la préfecture de police de Paris pour piéger puis relâcher ces animaux classés nuisibles. C’est goupil qui a donné l’acte final, il a coopéré à sa manière. Il a laissé des traces et les cages vides. J’ai eu le plaisir de photographier un de ces fèces qui démontraient comment, à Paris, le renard développe un comportement commensal et mange aussi du plastique. Le renard n’a pas été équipé d’un collier GPS. Nous ne l’avons pas suivi. L’application pour téléphone intelligent réalisée par un ami, est resté au point mort. Grâce à toutes ces coopérations, nous avons reconnu d’autres liens.

  • Crédit

    Crédit prédateur. Le système financier a montré qu’on ne peut pas lui faire confiance pour vendre des produits répondant aux besoins de ceux qui les achètent… Les banques et autres institutions financières ont particulièrement profité des Américains les moins instruits

    p 292-3, Le triomphe de la cupidité – Jospeh E. Stiglitz

    ABREU DIRECT

    … Abreu remercie votre préférence… (Musique)

    … Abreu Jeunesse : nous disposons de tarifs, de programmes, de produits spéciaux pour les étudiants

    et les enseignants… consultez… bippp…

    Téléopérateur : Bienvenue à Abreu.

    M : Bon après-midi, je m’appelle Marguerite. Je réalise une investigation qui a pour nom :

    « FAL AR_ condicionado », où nous effectuons une prospection concernant les téléopérateurs…

    J’aimerais poser trois questions. Est-ce possible ?

    T : Dites.

    M : La première question est : Votre vie a-t-elle de la valeur, en tenant compte de votre salaire et de vos charges financières ?

    T : Ai ! Quelle question! ? (rires) Ce n’est pas une question très normale… Elle a de la valeur, oui !

    M : Et pourquoi ?

    T : Aï, Parce que la vie est au-dessus de tout, enfin, comme cela est difficile.

    M : Je vais poser la prochaine question : Êtes vous disposé à vendre votre vie pour réaliser vos rêves plus rapidement ?

    T : Non.

    M : Encore une fois, pourquoi ?

    T : Parce que personne ne vend la vie ainsi, pour aucune raison.

    M : La troisième question est : Quels sont les rêves de votre vie ?

    T : Aï ! Cela maintenant ! (Rires) Laissez moi voir, ici, ainsi un facile… un facile… changer de maison, C’est une chose facile, n’est ce pas ?

    M : C’est une chose facile… Quoique de nos jours plus vraiment !

    T : Oui…

    M : Merci beaucoup pour vos informations, bon après-midi.

    T : Bon après-midi, Merci beaucoup.

    Cette conversation enregistrée lors d’une opération de télémarketing particulière, tiré du livret d’opéra : « FAL AR_ condicionado » montre comment l’argent, la croyance et les valeurs s’articulent dans mon travail. La parole est conditionnée et un gouffre béant apparaît entre ce que les gens font et ce qu’ils disent. Leur travail, c’est faire croire avec conviction, nous plongeons dans une mise en abîme vertigineuse. Cette vendeuse de crédit en ligne de la banque Abreu direct, fait l’aveu que sa vie est inestimable. Elle ne veut pas la vendre pour réaliser ses rêves. Cependant son souhait de changer de maison, elle le réalise un peu tout les jours en vendant des crédits. C’était en 2006 au Portugal. Les citoyens pouvaient sentir que les produits financiers occupaient une place disproportionnée par rapport à l’économie réelle. En 2012, alors que les 99% rêvent de prendre le taureau de wall street par les cornes, au quotidien et individuellement, les estomacs préférent croire en une main invisible qui régulera la raréfaction des ressources d’un geste technologique en harmonie avec le respect de la démocratie absolue et de ces valeurs universelles relatives. Face à certains automatismes déterminants, je souhaite apprendre des rêves faciles.

     

  • Document

    En inventant la notion « d’incompossibilité » il résout le paradoxe en offrant une pause à la crise de la vérité, puisque c’est l’incompossible (et non l’impossible) qui procède du possible. « Le passé peut être vrai sans être nécessairement vrai. »

    Puissances du faux – Eric Baudelaire, in Vacarme 55, printemps 2011.

    Cet article d’Eric Baudelaire à propos d’une exposition fictive : «Factographies» exprime très bien mon rapport au document et le rôle que je lui donne dans mon travail. Le film : «Même l’autruche sera protégée,» est un document. Cette vidéo rend compte d’un exercice qui simule un plan particulier d’intervention pour sauver les autruches en cas d’accident nucléaire. C’est un plan (PPI) que j’ai écris à partir des conseils critiques de la CRIIRAD, de l’IRSN (insitut de radioprotection et de sûreté nucléaire) et de l’ASN (autorité de sûreté du nucléaire). Protéger les autruches, c’est aussi sortir d’une certaine politique où la grande muette a fait son nid. Une version de la vidéo, adaptée au contexte d’exposition à la cité des sciences, est actuellement diffusée. Ce plan particulier d’intervention fictif s’inspire des pistes de réflexion en cours suite à l’accident nucléaire de Fukushima. En effet, l’IRSN et l’ASN s’interrogent, entre autre, sur le devenir des animaux domestiques. Aujourd’hui, c’est l’abandon pur et simple qui est pratiqué. Le bien-être animal disparaît devant le risque nucléaire et le «sauve-qui-peut» lors de ces moments terribles. Ils racontent que c’est l’Homme qui importe. Ces autorités du nucléaire précisent même que les citoyens ne seront pas tous protégés. Il leur faut définir des seuils et rendre acceptable la catastrophe. Le plan fictif est accompli par les soigneurs du parc des oiseaux de Villars les Dombes près du Bugey. Les combinaisons et les outils de mesure nécessaires (fournit par la CRIIRAD) respectent les conditions du plan. L’exercice se déroule en respectant scrupuleusement le scénario du PPI. Nous filmons l’exercice puis nous éffectuons un montage en tentant de respecter un maximum l’intégrité de l’exercice tout en étant compréhensible pour un spectateur. Tout le sérieux de la démarche tente de montrer que si nous pouvons sauver une autruche alors l’Humanité serait protégée. Mais au fil de la démonstration, nous comprenons l’absurde de la situation et la non-préparation évidente des professionnels face à l’éventualité de la catastrophe. Je ne vais pas développer à propos de l’inadaptation des combinaisons NRBC face à un danger imperceptible qui dure. Les images parlent. Ainsi le document relate un exercice qui simule un accident nucléaire. C’est du vrai-faux. Au delà de la vérité des faits et de leurs interprétations, ce document nous engage à réfléchir à des laissés «pour-compte». Durant l’exercice, sans le vouloir, les opérateurs et les soigneurs ont très peu parlé. Ils ont respecté la procédure. Ainsi, le spectateur découvre le plan au fil du temps. Le document vidéo dévoile petit à petit les enjeux avec les soins apportés à l’autruche. Nous sortons la tête du trou de notre ignorance car la situation est nécessairement vrai. Le document papier, la trace collectée, la photographie, le fichier, l’image numérique… prolongent quelque chose de l’action, un peu. Leurs qualités (la papier A4, le pixel, le poils, l’enregistement sonore, la vidéo surveillance…) sont des marqueurs de leurs temps.

  • Domestication

    Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer, et nous refusons de l’admettre. L’humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au Nord comme au Sud, et nous sommes indifférents. La Terre et l’humanité sont en péril, et nous en sommes tous responsables.

    Discours prononcé par Jacques Chirac – Jean-Paul Deléage – 2002.

    Cette courte phrase que prononça Jacques Chirac, président de la République française, il la fit en ouverture du discours devant l’assemblée du IVe Sommet de la Terre le 2 septembre 2002 à Johannesburg, en Afrique du Sud. La domestication est lié à l’habitat. Ce président parle de la planète comme d’une maison qui brûle (domus). Les images satellites confirment. L’habitat de l’Homme, aujourd’hui, ce n’est pas seulement le rift africain, les pôles, les continents, les plate formes pétrolières ou les grattes ciels, non, c’est l’ensemble de cet astre froid. L’humanité tente de contrôler à l’échelle nano comme à des années lumières. Nous n’intervenons pas seulement à la surface. Le phénotype n’est pas notre horizon, le génotype est une séquence vers une humanité qui s’élève dans le meilleur des mondes. Le travail ET IN ARCADIA EGO est un système de transhumance urbaine pour le festival des jardins de Lausanne en Suisse. Un cheptel de moutons paît au centre comme en périphérie, en bas des grands ensembles comme en haut des talus du château. Ces êtres lient notre communauté. L’interaction n’est pas univoque. La domestication est un processus paradoxal dont les usages remettent en question la démocratie. Elle convoque des technologies avec des boucles de rétroactions souvent insoupçonnée. Le théâtre de l’agriculture d’Olivier de Serre ou le jardin planétaire de Gilles Clément démontrent comme il est important de considérer notre responsabilité. Mes actions sont de cette nature là et les documents tentent une synthèse.

  • Écologie

    …l’homme avait empiété sur la puissance fonctionnelle de Gaïa au point de la rendre impuissante à réagir … nous nous retrouverions alors bel et bien aux commandes de cet étrange engin, le « vaisseau spatial terre » et ce qu’il subsisterait de biosphère domptée et domestiquée serait effectivement notre « bouée de secours »… au delà de 10 milliards, …, choix ultime entre l’esclavage permanent sur la carcasse-prison du vaisseau spatial terre et l’extinction massive pour permettre aux survivants de restaurer un monde païen.

    p 154, La Terre est un être vivant, l’hypothèse Gaïa – James Lovelock

    Cette jeune science étudie les relations entre le «vivant» et son «environnement», elle est donc à un carrefour et elle engendre une multitude de sciences. Les relations mutuelles de dépendance des êtres organisés développent les disciplines de la biogéographie, la biocénose ou la biocénotique…. Ces études de la structure et de la dynamique des biocénoses démontrent que le temps influe sur les organisations. Ce système est toujours un emboîtement de systèmes, avec des échelles d’espaces et de temps qui vont pour le premier, du local, voire du microlocal (génome…) au planétaire (l’espèce, l’écosystème, la biosphère) et pour le second, de la seconde au millénaire. Alors que Pline l’ancien envisageait un rapport finaliste, la cybernétique, autre jeune science apporte de l’eau au moulin de notre (rapport à la) nature. Cela nourrit mes actions, ma manière d’être au monde. Avec ET IN ARCADIA EGO, Vulpes vulpes, Autel… Je fais donc des expériences d’interaction et d’interdépendance avec mon milieu. Je suis davantage inspiré par l’écologue que l’écologiste.

  • Exposition

    «Quels sont les élèments les plus déterminants pour fixer le prix d’une oeuvre d’art ?»

    « J’évoquerais, par ordre croissant, la renommée de l’artiste, l’importance artistique de l’oeuvre, la productivité de l’artiste, le nombre d’oeuvres disponibles au moment où l’on fixe le prix, et le nombre de clients susceptibles de s’interesser à ces oeuvres à un prix donné. Entre en jeu également la capacité du marchand à présenter l’oeuvre de mannière séduisante.

    «Comment procédez-vous pour faire progresser la côte d’un artiste ?» Il faut de l’enthousiasme et de la pédagogie. »

    Propos du galeriste Emmanuel Perrontin – Beaux Arts magazine Spécial Fiac 2006

    Ces propos, toujours valables après la crise financière de 2008, montrent l’importance du crédit pour définir la valeur d’une oeuvre. Un implicite hante ces propos, l’oeuvre doit être exposée à au moins deux regards. Il faut qu’elle soit visible, séduisante. «Frech egg», ce distributeur automatique d’oeuf frais, joue et gagne avec ces notions. C’est l’oeuvre de mon corpus actuel la plus exposée. Elle circule. Ce geste artistique met en abîme la consommation d’un produit qui est de fait culturel. Sans interprétation abusive, l’oeuf est le lieu de tous les possibles, il est ici juste une masse qui subit la gravité de nos forces autodestructrices. Ce n’est pas la poule aux oeufs d’or mais nous gagnons de la petite monnaie. Ce n’est pas cynique mais plutôt triste. Nos automatismes, qui consistent à payer avant de réfléchir, sont à l’oeuvre au quotidien. Ce conditionnement profite davantage à Nestlé qu’au producteur de cacao ou à notre estomac. Une série de dysfonctionnement lors de l’échange avec la machine montre ces techniques de domestication. L’exposition à quelque chose à voir avec un constat d’accident, même si un sourire est convoqué, c’est la déception qui s’installe et la reconnaître nous console un peu. Ces actions nous invitent à constater la ruine. Face aux changements de notre habitat, notre responsabilité en tant qu’artiste de représenter et d’exposer nos désillusions est grande. Ainsi, je n’agis pas dans un rapport production/consommation mais j’expérimente davantage l’instauration de cycles en parallèle de leurs représentations.

  • Mort

    Congelés dans un état de suspension permanente, les « patients » cryonisés sont en fait des cadavres où il devient impossible pour leurs proches de faire leur deuil. Déclarés légalement morts, ils sont placés dans un espace technoscientifique indifférent au passage des générations. Ils instituent en ce sens la fixation dans un présent infini d’un futur déréalisé, détaché de toute historicité, car un individu à jamais congelé laisse peu de place à sa lignée.

    p 179, La société post-mortelle, Céline Lafontaine. 2009

    Avec « Mehrlicht » , cette entreprise de sponsoring funéraire, «Frech egg» ou «Autel», la mort est représentée mais il est davantage question du passage d’un état à un autre. Mon expérience de l’agriculture et la notion économique de valeur actualisée de la clientèle m’a conduit à rentrer dans une certaine complexité. Ainsi, une guerre entre la biologisation des cultures et la transmission intergénérationnelle est en cours, les belligérant fabriquent un champ de bataille dans lequel je me perd tel un enfant. Je désire comprendre des jeux mnémotechniques et transmettre la nécessité de se souvenir.

  • Nature

    La nature est contrainte par la raison de sa loi qui vit infuse en elle.

    p 113. Traité de la Peinture. Léonard de Vinci. André Chastel.

    Nature : acteur ou décor ? Quelles sont les conséquences sur ma pratique. Sans déterminant, ce mot : «Nature» nécessite d’être expliqué par le travail. LA nature serait la cause de toute chose d’où découle les actions. Elle a la puissance d’être l’acteur et le décor. Elle est la condition qui précède le verbe dans tout commencement. Dans nos civilisations du livre, je risque de mal plagier les définitions de Spinoza dans l’Éthique. La Nature (ou tout autre équivalent divin) serait infinie, libre, immanente, éternelle d’effets. Entre les dires d’un ami astrophysicien qui parle de cette unité de mesure utilisée dans ses calculs : «la précision infinie» et ceux de cet ingénieur de Véolia pour qui l’eau, la terre, l’environnement sont des marchandises, nous comprenons que notre nature est en liberté surveillée. Nos techniques de transmission d’une mémoire et la qualité des échanges qu’elles induisent ont alors une grande importance.

  • Sourire

    Ô mes animaux, répondit Zarathoustra, continuez à babiller ainsi et laissez-moi écouter ! Votre babillage me réconforte : où l’on babile, le monde me semble étendu devant moi comme un jardin.

    p 214, Ainsi parlait Zarathoustra -Friedrich Nietzsche – 1883-1885.

    Les conséquences de la nature sur ma pratique, qu’elle soit actrice ou décoratrice, prêtent à sourire. Comment ne pas esquisser un tel mouvement des lèvres ? Dans l’infinie d’une nuit et sa forêt de signes, l’Humanité cherche le nord. Toute l’énergie (nucléaire comprise) employée à fabriquer des trucs et des boussoles se retourne contre nous quand la Terre tremble. «Pour rire» fut réalisée avec Guillaume Ségur, un mois après le 11 septembre 2001. Nous fûmes inspirés par le travail de Jens Haaning. Notre action consistait à diffuser des histoires drôles en Arabe littéraire dans l’espace public grâce à un dispositif proche des voitures de cirque. Dans la rue, nous avons partagé des sourires avec des personnes qui voulaient comprendre le geste. Dans les moments les plus tragiques, sourire est périlleux face au monde. C’est sans espoir, sans morale, sourire soulage comme cela blesse. C’est idiot. Faire sourire est quelque chose de difficile. Je m’aventure alors : Un oeuf qui casse, un cercueil Pepsi®, une vache qui écoute, un élevage d’éponge à Venise… Ce sont des experiences pour inviter à regarder puis prendre de la distance. Sourire marque le visage et nous indique qu’un langage commun s’instaure. Ce geste nous invite au dialogue tout en transmettant déjà quelque chose.

  • Vivant

    L’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie.

    p 445, De la serviture Humaine – proposition LXVII – Éthique – Spinoza

    Ces ruptures de la chose – le vivant – et de la source – la vie – procèdent elles-mêmes d’une conception de la génétique forgé sur le modèle originaire de la physique est sur une conception mécaniste de son fonctionnement permettant de dégager des lois de causalité.

    p 20, Contrats et vivant – Florence Bellivier, Christine Noiville, Catherine Labrusse-Riou

    Alors que l’écologie étudie le vivant avec son milieu et que j’apprends à mourir, le droit et l’industrie tendent à «normaliser» notre nature. Nous devenons un gisement de matériels biologiques et nous trions les embryons comme nous légiférons sur les pratiques eugéniques. Si l’Horizon est une Humanité sécuritaire et néguentropique dans son biodôme, à quoi bon vouloir transmettre un avenir. Sans hazard ni nécessité, je serais un corps nu en panne de politique et d’art. Aujourd’hui, nous pouvons nourrir nos congénères mais nous préférons vendre des armes à crédit. Ainsi, je doute que la vie éternelle soit aussi bien partagée que la raison. Notre nature traverse mon travail et les mots sont faibles pour décrire la puissance et les désirs qu’elle inspire. Mes actions et leurs traces veulent transmettre des coopérations dans des cycles.

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